Rudy Kurniawan, l'homme qui changeait des vins Californiens en Romanée-Conti

On vous raconte l'histoire vraie de Rudy Kurniawan : le plus grand faussaire de vin 

LES 12 SALOPES DE BOURGOGNE

Nous sommes en l'an 2000. Contrairement aux prédictions de Nostradamus, la Terre tourne toujours autour du soleil, Trezégoal s'apprête à éteindre l'Italie un soir de juillet, et un jeune Indonésien qui se présente sous le nom de Rudy Kurniawan débarque dans une Amérique encore présidée par Bill Clinton.

Rudy Kurniawan, car c'est lui qui nous intéresse, a alors 24 ans et absolument aucune connaissance en œnologie. Il découvre le vin dans une cave du quartier de Woodland Hill, à Los Angeles, et en seulement six mois, il développe des capacités hors normes. Il lui est ainsi proposé de rejoindre le si élégamment nommé club des "12 salopes de Bourgogne". C'est là qu'il dégustera les plus grands vins et qu'il impressionnera par son palais et ses facilités à décrire et mémoriser tous les vins qu'il déguste.

NEW-YORK, JOHN KAPON ET LES ENCHÈRES

Quand il rencontre John Kapon, un commissaire-priseur new-yorkais à la tête d'une grande maison de vente aux enchères, Rudy a déjà commencé une juteuse activité de faussaire. Son appartement est transformé en laboratoire dans lequel il mélange des vins californiens et bourguignons, crée de fausses étiquettes et tâche de reproduire le plus fidèlement possible les arômes des grands crus qu'il boit quotidiennement depuis son arrivée en Amérique.

En 2006, il dispose d'une impressionnante collection de (faux) grands crus : Pétrus, Romanée-Conti, Henri Jayer, Domaine Leroy, Cheval Blanc, Roumier... Il les possède tous et dans des millésimes exceptionnels ! Il a, par exemple, des dizaines de Romanée-Conti du millésime 1945, alors qu'Aubert de Villaine, à la tête du domaine, assure n'en avoir lui-même jamais vu.

L'argent n'a pas d'odeur, mais John Kapon a du flair. Les deux néo-amis organisent des ventes aux enchères grâce auxquelles le jeune Rudy, qui a désormais 30 ans, empoche la modique somme de 35 millions de dollars.

LAURENT PONSOT, LE FBI ET LE POT AUX ROSES

Un matin de 2008, le téléphone sonne au domaine Ponsot en Bourgogne, et c'est Laurent Ponsot qui répond :

• Laurent, dis-moi, une maison d'enchères ici à New York propose des Clos Saint-Denis de 1945 à 1971. Je n'en ai jamais vu.

• De 45 à 71 ? Mais c'est impossible, le premier millésime de Clos Saint-Denis date de 1982 !

Laurent Ponsot grimpe dans le premier vol en direction de New York et se rend à la vente. Il y rencontre Rudy et John, qui lui garantissent l'authenticité des bouteilles sans pour autant lui indiquer leur origine. Convaincu que les deux amis sont à l'origine de ces contrefaçons, Laurent contacte le FBI, qui prend immédiatement l'affaire au sérieux. Au bout de deux années d'enquête, à accumuler les preuves lors des ventes aux enchères organisées par Tic & Tac, les agents du FBI viennent cueillir Rudy Kurniawan chez lui, à Los Angeles. Ce qu'ils y découvrent est hallucinant : imprimantes, étiquettes de grands crus encore enroulées, bouteilles vides, tubes à essai et des centaines de bouteilles prêtes à être commercialisées. Un laboratoire digne de celui de Jesse Pinkman et Walter White au sommet de leur art. À son procès, en 2013, il sera condamné à 10 ans de prison. Et ce diable de John Kapon ? Acquitté, faute de preuve. Il n'y a de la veine que pour les crapules.

LA CASE PRISON ET LE RETOUR AUX AFFAIRES

Après avoir purgé une peine de 8 ans, Rudy est libéré en 2021 avec en prime une expulsion vers son pays natal, l'Indonésie. Mais l'inassouvissable escroc refait surface en 2024 sur le sol américain, où il organise désormais des dîners arrosés... d'imitations de grands crus mythiques !