Le Phylloxéra, Vitis Vinifera Satana

Le Phylloxéra, Vitis Vinifera Satana

Puceron, parasite de la vigne, le phylloxéra a décimé en quelques années l’ensemble du vignoble français. Petite histoire de ce que les Américains nous ont apporté de pire après les influenceurs. 

 

De l’importance du vin

Dans la deuxième moitié du 19ème siècle l’industrie du vin représente près d’un tiers des emplois nationaux, les enjeux économiques sont colossaux. On bichonne la vigne comme un lingot, le commerce du vin croît notamment grâce à la révolution industrielle et rien ne semble pouvoir enrayer cette vague d’ivresse économique bleu blanc rouge. Vous comprendrez alors aisément que, vers 1850, lorsque l’oïdium frappe une partie des vignes la peur s’empare de nombreux vignobles. Cette maladie cryptogamique, c’est-à-dire qu’elle est due à un champignon, est toutefois rapidement maîtrisée grâce à Henri Mares qui met au point dans l'année, un traitement de soufrage des vignes empêchant ce champignon de se développer. Répit de courte durée, le phylloxéra est déjà en train de traverser l’Atlantique. 


Vitis Vinifera & Vitis Labrusca

Deux grands types de variétés de vigne s’opposent à cette époque : Vitis Vinifera, les vignes que nous avons en Europe et qui produisent des vins gustativement qualitatifs. Et Vitis Labrusca qui sont les vignes que l’on retrouve notamment aux États-Unis et qui ont la particularité de donner des vins au goût foxé c’est-à-dire framboisé. L’intérêt de Vitis Labrusca, qui ne donne pas les vins les plus savoureux, est qu’elle résiste notamment aux maladies endémiques américaines comme le Mildiou et le Phylloxéra. Vitis Vinifera ne produit pas de raisin aux USA, Vitis Labrusca est productive !  


Arrivée du Phylloxéra en Europe

1860, un vigneron gardois apporte de manière impromptue quelques pieds américains contaminées par le phylloxéra pour expérimenter ces vignes exotiques en France et fait ainsi entrer le petit puceron tueur de ceps en Europe. C’est le début d’un désastre qui va voir, petit à petit, une grande partie du vignoble français et européen se faire décimer. 

Photo du vigne atteinte du Phylloxéra issue du blog https://vinsdumonde.blog/

Propagation du Phylloxéra

En injectant de la salive sur la feuille ou sur la racine de la vigne, le phylloxéra crée une petite excroissance qui prend la forme d’une galle dans laquelle la plante va apporter des nutriments. Le phylloxéra forme un petit cocon dans lequel il peut pondre et se développer en toute quiétude. 

Le vent complète le travail en permettant au puceron de se déplacer d’une région à une autre jusqu’à coloniser une grande partie du vignoble européen. 


Éradication du tueur de ceps

En 1870 le combat du phylloxéra dépasse très largement la sphère viticole : politiques et scientifiques cherchent en vain des manières d’éradiquer le puceron tueur de ceps. De nombreuses tentatives sont entreprises à commencer par les pesticides. On tente également d’inonder les vignobles, après avoir constaté que le puceron ne se propage plus dans l’eau. Les résultats sont probants en plaine mais impossible à mettre en œuvre sur des côteaux. Enfin, on constate que le phylloxéra ne peut créer de galerie sur des sols sableux, rare partie du vignoble à être protégée. 

Il faut attendre 1869 pour que Gaston Bazille, homme politique, agronome et vigneron montpelliérain suggère de protéger la vigne en utilisant des porte-greffes américains. La méthode consiste à planter Vitis Labrusca, le pied de vigne américain et résistant au phylloxéra, sur laquelle greffer le greffon de Vitis Vinifera, notre pied européen. Le porte greffe joue son rôle de transit permettant à la vigne de recevoir eau, minéraux et nutriment mais la vigne continue à produire des raisins européens. 

Cette méthode est aujourd’hui appliquée dans une immense partie du vignoble européen et elle s’oppose aux vignes dites “franches de pied”, c’est-à-dire non greffées, comme c’est le cas de la cuvée “Franc de Pied” du célèbre vigneron saumurois Thierry Germain.